« Dans notre enseignement de la véritable non-dualité, aucune
pratique n’est prescrite ni interdite. Aucune n’est prescrite, car
elles ne permettent pas d'accéder directement à Shiva. Elles ne sont
pas interdites non plus, car rien ne peut fracturer le réel »
(Abhinavagupta)
Cette tradition spirituelle, qui s’est épanouie sur les contreforts
himalayens du Cachemire entre le 8ème et le 14ème siècle, est apparue
en Occident au début des années 70 grâce à des précurseurs comme Lilian
Silburn et Jean Klein.
Comme toute tradition authentique, elle se révèle d’une étonnante
modernité, et répond à nos aspirations les plus profondes même sortie
de son contexte culturel.
L’approche cachemirienne se fonde sur une vision non-duelle de la réalité :
- le monde manifesté est considéré
comme reflet du divin, comme émanation de la Conscience absolue :
l’immanent et le transcendant se fondent dans l’unité.
- ce qui manifeste à la conscience
(objets, corps, perceptions, pensées, …) est de même nature que la
conscience elle-même, tout comme les vagues sont de même nature que
l’océan dont elles émergent : le sujet conscient et l’objet dont il est
conscient ne sont qu’une seule et même réalité ;
- puisque « tout est
Shiva » (ou Dieu, Conscience absolue, Amour, Source, …), la
dualité bien/mal, pur/impur n’a pas lieu d’être. Pour Abhinavagupta,
figure emblématique du shivaïsme cachemirien médiéval, c’est la
croyance que le monde (et notamment le corps) est impur, qui est impure
!
Puisqu’il n’y a rien à rejeter pour toucher l’Absolu, l’approche
cachemirienne peut se déployer dans la vie quotidienne la plus banale :
pas besoin de se retirer dans un monastère ou un ermitage, le terrain
d’exploration est l’intégralité de l’expérience humaine. L’écoute des
ressentis corporels et des perceptions sensorielles, l’investigation
des mécanismes du mental et de l’ego, l’observation des dynamiques à
l’oeuvre dans les relations, la traversée des émotions même les plus
intenses, sont autant de portes d’entrée précieuses pour reconnaître
notre vraie nature.
Car dans cette tradition, la reconnaissance (pratyabhijna) est la voie
royale : la démarche ne consiste pas à fabriquer ou à transformer quoi
que ce soit dans le monde ou en moi. Elle consiste plutôt à m’ouvrir au
pressentiment profond que ce que je suis en réalité est infiniment plus
vaste que ce que je crois être, et, par cet élan intuitif, à
reconnaître que ce que je suis vraiment est déjà là, instantanément
disponible.